Budget fédéral 2013

Position de l'AFPC sur le budget 2013

L'AFPC exige que le gouvernement rende des comptes à la population

Le budget fédéral 2012, dévoilé après des mois de secrets et de messages contradictoires, a confirmé nos pires craintes. Les conservateurs ont aboli des services publics, mis en péril l'environnement et compromis la santé et la sécurité des Canadiens et Canadiennes. Ce budget a également eu un effet négatif sur l'économie.

Mais le plus inquiétant, c'était l'absence de détails. Le budget ne donnait que les grandes lignes : le gouvernement réduira de 6,9 % son budget de fonctionnement de 75 milliards de dollars. Comment? Là-dessus, silence total.

Le gouvernement a aussi retiré du Rapport sur les plans et les priorités de 2012 toutes les données sur les services et les besoins en ressources humaines. Un geste sans précédent qui visait, sans aucun doute, à cacher l'impact des compressions sur les services.

Frustré par les cachotteries du gouvernement, qui l'empêchent de procéder à l'analyse des finances publiques, le directeur parlementaire du budget a décidé de poursuivre le gouvernement.

La bonne gouvernance repose d'abord et avant tout sur la transparence. Aujourd'hui, nous revenons à la charge : le gouvernement doit respecter ce principe et dévoiler les conséquences de ses politiques budgétaires sur les services, la main-d'œuvre, les familles, les collectivités et l'économie. Il doit aussi écouter attentivement ce que les gens ont à dire, tant ceux qui ont besoin des services publics que ceux qui les assurent.

Il faut arrêter les compressions et rétablir les services publics offerts par le federal

Depuis le dépôt du budget fédéral de 2012, 19 770 membres de l'AFPC ont été informés qu'ils pourraient perdre leur emploi. Le gouvernement aura beau cacher la vérité sur les compressions, la population canadienne et nos membres savent très bien que ces coupes ont un impact réel sur les services et l'économie.

À Ressources humaines et Développement des compétences Canada, plus de 3 818 membres de l'AFPC ont été informés qu'ils pourraient perdre leur emploi. Les réductions imposées à Service Canada, qui atteindront 276 millions de dollars cette année, se traduisent par de plus longues périodes d'attente pour obtenir des prestations d'assurance-emploi (AE) et de sécurité de la vieillesse. Le gouvernement a fermé des comptoirs de services et des centres de traitement d'AE. Ce sont les prestataires qui écopent, plus particulièrement les travailleurs saisonniers, dont bon nombre sont membres de l'AFPC.

Le ministère des Anciens combattants ferme neuf bureaux régionaux au pays. Les vétérans devront dire adieu aux services de première ligne, y compris aux services de counselling. À l'Île-du-Prince-Édouard, il ne restera plus que le siège social. Les anciens combattants devront se rendre au Nouveau-Brunswick pour obtenir des services. Qui prendra le relais? Le personnel de Service Canada, qui est déjà surchargé de travail et qui n'a pas les compétences requises pour traiter les dossiers des anciens combattants. D'ailleurs, il n'a même pas accès à ces dossiers.

Citoyenneté et Immigration Canada a fermé 19 bureaux partout au pays. Le résultat : les services de première ligne sont inaccessibles pour les gens qui font des demandes de résidence temporaire ou permanente ou qui veulent changer leur visa.

Les énormes compressions imposées à la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits – la direction la plus durement touchée à Santé Canada – compromettent la santé des Autochtones. Le gouvernement a réduit de 40 % le financement des programmes de santé offerts par l'ensemble des organismes autochtones. Parmi les programmes touchés, mentionnons l'Initiative sur le diabète chez les Autochtones, la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les jeunes et le Programme de santé des mères et des enfants.

En fermant les stations de recherche et de sauvetage de Québec, de St. John's et de Kitsilano, le gouvernement met des vies en péril. C'est ce qu'ont affirmé les gens qui vivent et travaillent le long des côtes, y compris des survivants de catastrophes maritimes, mais les conservateurs ont fait fi de leur expertise et de leurs connaissances. Et selon un sondage, les conservateurs n'écoutent pas non plus l'électorat puisque 79 % des résidants de la circonscription du ministre John Duncan s'opposaient à la fermeture de la station de la garde côtière de Kitsilano1.

En ce qui concerne la fermeture de la Région des lacs expérimentaux dans le Nord de l'Ontario, le gouvernement fait aussi la sourde oreille. Or, un sondage révèle que 3 Canadiens sur 4 (dont 60 % d'électeurs conservateurs) sont contre la fermeture des ces installations vouées à la recherche sur l'écosystème d'eau douce et administrées par Pêches et Océans2. C'est grâce aux recherches effectuées à cet endroit qu'on a pu comprendre les effets des pluies acides.

Le ministère de la Défense, dont le budget sera encore amputé en 2013, s'apprête à privatiser bien des activités. Pourtant, des cadres supérieurs l'ont prévenu qu'une telle décision nuira à l'état de préparation opérationnelle de l'armée. L'an dernier, le Ministère a dû réduire son budget de 7,4 %, soit 1,1 milliard de dollars. Il a coupé une foule de postes, principalement dans les services aux unités et aux troupes : opérateurs de simulateurs d'armements, techniciens de véhicules qui forment les mécaniciens militaires, commis, secrétaires, préposés aux services d'alimentation, personnel de cuisine, personnel de radioprotection, techniciens d'armes, techniciens de munitions, mécaniciens de camions lourds, scientifiques, assistants de laboratoire et chauffeurs.

Les compressions saisonnières imposées aux services gouvernementaux le long de certains canaux et voies navigables ont été en partie abandonnées. Mais les agences de tourisme et les petites entreprises préviennent que les compressions saisonnières que subissent d'autres sites historiques et parcs nationaux du Canada nuiront aux collectivités avoisinantes. En l'absence d'interprètes, les étudiants et les touristes n'auront pas non plus l'occasion d'en apprendre autant pendant leur visite aux sites historiques3.

Dans les Prairies, le gouvernement a fermé le Programme de pâturages communautaires de l'Administration du rétablissement agricole des Prairies, abandonnant ainsi les efforts d'intendance qui ont assuré pendant des décennies la conservation de millions d'acres d'un écosystème fragile. Les gouvernements provinciaux en auront désormais la charge. Mais la Saskatchewan dit vouloir vendre ces prairies au taux du marché à des éleveurs qui y feront paître leur bétail, menaçant ainsi le fragile équilibre entre les différents usages de ces terres. Rien n'indique que leur conservation et que la protection de l'environnement seront assurées.
Cette année, le gouvernement a aussi annoncé des compressions de 98 millions de dollars à l'Agence du revenu du Canada, qui entraîneront des pertes de services directs à la population et aux petites entreprises. Les dernières compressions budgétaires ont coûté 400 postes de vérificateurs travaillant au  Programme des enquêtes criminelles, au Programme spécial d'exécution et au Programme de divulgations volontaires. Le gouvernement compte également confier le stockage des banques des données fiscales confidentielles des Canadiennes et des Canadiens à une tierce partie du secteur privé, ce qui pourrait mettre en péril la protection des renseignements personnels.

Ça ne fait aucun doute : on est tous touchés par les compressions, qui auront des conséquences particulièrement dévastatrices pour les plus vulnérables, notamment les chômeurs et les aînés qui ont besoin d'un accès régulier à l'aide gouvernementale pour pouvoir joindre les deux bouts. Nous demandons encore une fois au gouvernement de renverser la vapeur et de restaurer le niveau de services publics dont les Canadiennes et les Canadiens ont besoin.

Le gouvernement ne doit plus chercher à nouer de coûteux partenariats public-privé (PPP) non assujettis à l'obligation de rendre des comptes

Le gouvernement a fondé PPP Canada inc. pour encourager les PPP à tous les échelons de gouvernement en matière d'infrastructures et de prestation de services. Le budget fédéral 2012 a annoncé que de tels partenariats seraient envisagés pour toutes les sociétés fédérales, y compris les sociétés d'État, surtout celles qui, d'après le gouvernement, feraient concurrence au secteur privé. Le recours aux PPP est déjà une condition pour les provinces et municipalités désireuses d'attirer les investissements de PPP Canada inc., qui pousse désormais les autres organismes fédéraux à faire de même, notamment l'Agence de la santé publique, Travaux publics et Services gouvernementaux, Affaires autochtones et Développement du Nord et Bibliothèque et Archives Canada.

L'AFPC demande au gouvernement d'abandonner les PPP. Ce sont des projets coûteux, non assujettis à l'obligation de rendre des comptes. Les consortiums publics-privés empruntent de l'argent auprès des banques internationales d'investissement à des taux d'intérêt plus élevés que ceux accordés aux gouvernements. Et ce sont les contribuables qui écopent, puisqu'après 25 ou 30 ans, la durée moyenne d'un PPP, ils auront payé bien plus cher que si le gouvernement empruntait directement pour financer les marchés sur concours habituels4. Ce type de privatisation a des conséquences à long terme et limite la flexibilité du gouvernement à fournir des services publics, alors que les deniers de l'État servent chaque jour davantage à payer des fournisseurs privés, à garantir les profits des entreprises et à institutionnaliser des monopoles privés à but lucratif5. C'est, en somme, une dette cachée. Les détails des accords de PPP ne sont pas rendus publics, car ils sont propriété des entrepreneurs. Ainsi, le public n'a même pas accès aux comptes de ses partenaires du secteur privé, même si ultimement il assume les coûts de ces partenariats.

En novembre, le gouvernement a mis en œuvre un programme d'obligations à impact social (aussi connu comme financement social, investissement d'impact ou fonds capital-risque), ce qu'il avait promis de faire dans le budget 2012. C'est là une forme de PPP pour les services sociaux6. Prenant pour modèle le « Big Society Program » qui a lamentablement échoué au Royaume-Uni, le nouveau programme canadien remplacerait les travailleurs sociaux de première ligne par des bénévoles, des retraités et des employés d'institutions privées sous-payés7. En somme, on remplace le financement public prévisible par le financement privé et on fait passer la recherche du profit avant la qualité des services. Or, comme pour les PPP, rien n'indique que le financement et les services publics ne soient pas plus rentables. Et comme les investisseurs en obligations à impact social auront tendance à se fixer des objectifs faciles à atteindre, les problèmes les plus complexes seront laissés au secteur public, rendant ainsi l'évaluation de leur efficacité plus ardue.

Le gouvernement doit renforcer les mécanismes de surveillance et d'application réglementaires

Le gouvernement fédéral cède au secteur privé ses responsabilités liées à la sécurité des Canadiennes et des Canadiens lorsqu'il élimine ou affaiblit les règlements et ne les applique pas rigoureusement. Nous comptons sur la réglementation pour assurer la salubrité des aliments ainsi que la protection de l'eau, de notre santé et des biens de consommation. Elle contribue à la sécurité de nos routes et de notre environnement. Elle balise les institutions financières, les compagnies de télécommunications et d'autres sociétés privées.

Les budgets récents comportaient des mesures visant à accroître la compétitivité et à réduire la « paperasserie administrative ». Le résultat : les inspecteurs fédéraux dans tous les secteurs ont vu diminuer leur nombre et leurs pouvoirs d'exécution8. Leurs responsabilités ont été en grande partie transférées à des particuliers et à des entreprises qui vendent des biens et des services ou qui exploitent les ressources naturelles du Canada.

Le budget fédéral de 2012 et le Plan d'action pour la réduction du fardeau administratif du gouvernement ne font qu'empirer le problème. Le récent rappel d'aliments pour des raisons de salubrité à XL Foods n'aurait dû étonner personne. En effet, afin de réduire le « fardeau administratif » pour les anciens exploitants de XL et d'accroître la capacité de production, on avait ordonné aux agents de la salubrité des aliments de ne pas tenir compte des carcasses contaminées9.

Le gouvernement prétend aussi réduire « le fardeau administratif » des voyageurs et des entreprises devant franchir la frontière canado-américaine. En 2012, l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) effectuait un examen interne approfondi du Programme NEXUS, mettant en relief ses lacunes et recommandant des améliorations. Faisant fi de l'expertise de son propre personnel, l'ASFC décidait de confier en sous-traitance l'élaboration de politiques gouvernementales à cet égard. L'Agence demandait aussi à l'industrie privée de soumettre des propositions concernant un projet d'élaboration d'une vision sur les « voyageurs dignes de confiance ». Ce projet comprend une analyse des programmes NEXUS, CANPASS et de traitement automatisé à la frontière, ainsi qu'une évaluation de l'outil de soutien du Système intégré de gestion de la ligne d'inspection primaire de l'ASFC10.

La population canadienne est d'avis que le gouvernement fédéral devrait faire beaucoup plus pour protéger l'environnement, ainsi que la santé et la sécurité du public. Il doit abandonner son Plan d'action pour la réduction du fardeau administratif.

Le gouvernement doit faire des choix plus responsables en matière de dépenses

L'AFPC demande au gouvernement de se montrer plus responsable dans ses décisions sur les dépenses et de veiller à ce que celles-ci profitent à l'ensemble des citoyens et citoyennes. La réduction de l'impôt des sociétés devait se traduire en un réinvestissement des profits et en création d'emplois au sein du secteur privé. Les sociétés en ont plutôt profité pour rester assises sur des montagnes d'argent provenant directement de cet allégement fiscal. Mark Carney, le gouverneur de la Banque du Canada, qualifiait récemment d'« argent mort » cette somme dépassant le demi-billion. Il a d'ailleurs indiqué que si les compagnies ne parviennent pas à trouver une façon d'utiliser cet argent, elles devraient « le donner aux actionnaires, et ils sauront quoi faire avec11 ». Selon une récente analyse effectuée par la Banque Royale du Canada, cet « argent mort » représente presque le tiers du produit intérieur brut. Fait à souligner, la réserve de liquidités des États-Unis s'élève à 9 % seulement de son économie nationale12.

Le gouvernement peut aussi économiser des milliards de dollars en ayant moins recours aux consultants, aux contractuels et aux agences de placement temporaire. Selon des indices de plus en plus nombreux, cette façon de faire est plus coûteuse et porte atteinte aux politiques et aux pratiques de la fonction publique fédérale en matière de dotation13. Il existe des règles précises sur la dotation de postes temporaires. La tendance actuelle témoigne d'un manque flagrant de transparence et constitue un gaspillage des fonds publics.

Le gouvernement doit cesser d'abolir des emplois et de nuire à l'économie

Le public canadien ne croit pas que les mesures d'austérité entraîneront une croissance économique et il a bien raison. Le gouvernement a clairement déclaré qu'il y aurait d'autres coupes dans le budget fédéral de 2013. Il abolira donc des services sur lesquels la population compte et ralentira l'économie encore davantage. C'est insensé. La majorité des Canadiennes et des Canadiens s'inquiètent de leur emploi, de leur retraite et d'une infrastructure en bien mauvais état.

Comme l'a déclaré l'économiste Paul Krugman, récipiendaire du prix Nobel, « une économie nationale n'est pas comme un ménage. Une famille peut décider de dépenser moins et essayer de gagner plus. Mais si l'on prend l'économie dans sa globalité, les dépenses et les recettes marchent ensemble : ce que je dépense, c'est ce que vous gagnez; ce que vous dépensez, c'est ce que je gagne. Si tout le monde se met à sabrer dans les dépenses en même temps, les revenus vont chuter – et le chômage va grimper en flèche14 ».

Le directeur parlementaire du budget prévoit que la réduction des dépenses entraînera une chute du PIB canadien de 0,6 % cette année, de 0,9 % l'an prochain et de plus de 1 % en 2015. Au cours des deux derniers trimestres, la croissance économique du Canada a atteint son point le plus faible depuis la récession de 2008-2009. Le temps est venu pour le gouvernement fédéral de relancer l'économie en créant des emplois et en rétablissant les programmes et les services auxquels tiennent les Canadiens et les Canadiennes15.

1 - « Poll shows cuts to Canadian Coast Guard could cost Conservative cabinet minister John Duncan his seat in Vancouver Island North », 6 décembre 2012
2 - PARIS, Max (2012). « Experimental Lakes allies say poll a wakeup call for Tories », CBC News, 18 octobre.
3 - « Parks Canada cuts hurting tourism, visitors say », CBC News, 15 mars 2013
4 - McINNIS, Craig (2009). « P3 financing wins favour by limiting political risk », Vancouver Sun, 28 octobre. Voir aussi McKENNA, Barrie (2012). « The hidden price of public-private partnerships », Globe and Mail, 14 octobre.
5 - WHITFIELD, Dexter (2010). Global Auction of Public Assets, Nottingham (R.-U.), Spokesman Books, p. 36.
6 - Gouvernement du Canada (2012). « Le gouvernement du Canada prend des mesures pour relever les défis locaux », communiqué de presse, 8 novembre, Toronto
7 - DE GRANDPRÉ, Hugo (2012). « Ottawa veut plus de privé dans les services sociaux », La Presse, 9 novembre.
8 - « Le gouvernement manipule l'information sur la salubrité des aliments », Sécurité alimentaire, communiqué, le 4 novembre 2010 
9 - KANE, Laura (2012). « Inspectors Told to Ignore Contaminated Carcasses », Toronto Star, 29 novembre.
10 - BUTLER, Don (2013). « Canada Border Services Agency seeks vision for trusted traveler programs », Ottawa Citizen, 18 février.
11 - PRESSE CANADIENNE (2012). « Carney : les riches sociétés doivent donner à leurs actionnaires », Le Devoir, 23 août
12 - LORINC, John (2013). « Dead money – There are good reasons for hoarding cash », Canadian Business, 12 février.
13 - MACDONALD, David (2011). « La fonction publique fantôme : Le nombre de travailleurs contractuels ne cesse d'augmenter au gouvernement fédéral », 3 mars
14 - KRUGMAN, Paul (2013). « L'échec monumental », New York Times, 6 janvier.
15 - EGAN, Louise (2013). « Analysis: Experts see risks from Canada's fixation on balanced budget », Reuters, 12 mars.

Date de modification : 2013/03/19