Protocole de retour au travail à l’ARC

La lettre ci-dessous a été envoyée à la présidente du Conseil du Trésor, Mona Fortier, en réponse au protocole de retour au travail de l'ARC.

L'honorable Mona Fortier
Députée au Parlement
Présidente du Conseil du Trésor
Chambre des communes
Ottawa, ON, Canada
K1A 0A6

Honorable Ministre Fortier,

Je vous écris à titre de président du Syndicat des employé-e-s de l'Impôt (SEI), un Élément de l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), qui représente plus de 36 000 membres employés dans les bureaux de l'Agence du revenu du Canada (ARC) partout au pays. Je vous écris également en votre qualité de présidente du Conseil du Trésor.

Je limiterai mes remarques aux questions qui concernent les membres du SEI et les employés de l'ARC, dont j'ai une connaissance intime et directe, et je m'en remettrai à l'AFPC et aux autres Éléments de l'AFPC pour répondre aux préoccupations qu'ils peuvent avoir concernant leurs membres.

Au nom des membres du SEI, je dois d'abord décrier votre récente annonce d'un retour obligatoire au travail pour deux à trois jours par semaine, ou 40% à 60% de leur horaire. Nous soutenons que cette décision est malavisée, arbitraire, mal conçue et précipitée. De plus, nous affirmons que cette décision ne favorise pas le fonctionnement efficace de la fonction publique et qu'elle ne tient pas vraiment compte de la santé et de la sécurité, du bien-être et du moral des employés de l'ARC et des membres du SEI. De plus, nous estimons que cette décision est irrespectueuse envers nos membres et envers leur syndicat, le SEI.

Bien que vous déclariez que cette décision a été prise en tenant compte du bien-être des employés et pour soutenir les principes de collaboration et de collégialité, nous soumettons respectueusement qu'il s'agit d'une imposture et que la décision a été prise uniquement pour apaiser les demandes des municipalités et de leurs maires, de l'entreprise privée, des chambres de commerce, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et d'autres groupes de pression de ce type pour forcer les employés à retourner au travail. Nos membres nous ont fait savoir qu'ils étaient particulièrement offensés que vous ayez choisi de ne pas divulguer les véritables raisons de cette décision et de vous cacher derrière le voile du bien-être des employés, de la collaboration et de la collégialité.

Je vous rappelle, Madame Fortier, qu'au cours de la pandémie, le gouvernement du Canada et ses ministères, employeurs distincts et organismes, ont fait appel à l'ARC en période de besoin pour lui demander de les aider à offrir leurs programmes aux Canadiens. Ces demandes comprenaient de l'aide pour la prestation de programmes liés aux prestations d'urgence, à la crise afghane et à la délivrance de passeports. À son tour, l'ARC a demandé au SEI de contacter ses membres et de les encourager à se porter volontaires pour effectuer des tâches qui ne font pas partie de leur description de travail, à travailler des heures irrégulières et à travailler au-delà de leurs heures de travail quotidiennes pour aider à la prestation de ces programmes. Grâce à une consultation approfondie avec l'ARC, et dans un véritable esprit de collaboration, le SEI a répondu à l'appel et nos membres ont fait de même.

Non seulement nos membres ont exécuté le programme avec plus de 90 à 95 % d'entre eux travaillant virtuellement, mais ils ont dépassé les attentes. Ils étaient fiers d'aider les Canadiens et le gouvernement du Canada en période de besoin, et le SEI était fier de ses membres pour l'avoir fait. L'ARC et le gouvernement du Canada ont fait écho à ces sentiments dans leurs communications avec les employés et dans les médias, mais aujourd'hui, ces commentaires ont perdu de leur valeur aux yeux de nos membres, qui les considèrent désormais comme superficiels et peu sincères.

Depuis votre annonce et l'annonce subséquente de l'ARC le 15 décembre 2022, le SEI a reçu des commentaires d'un grand nombre de nos membres, qui ont exprimé leur mécontentement et leur anxiété à l'égard du protocole de retour au travail et de son échéancier. Ils ont insisté pour que le SEI réexamine son engagement à collaborer et à coopérer en fournissant de l'aide aux autres ministères et organismes. De plus, ils ont exigé un appel à l'action de la part de leur syndicat, et soyez assurés que le SEI répondra à cet appel de manière imminente et efficace.

Ces membres, ainsi que le SEI lui-même, sont particulièrement offensés par cette annonce et par cette mesure unilatérale et arbitraire prise par l'employeur sans consultation sérieuse avec le syndicat, alors que celui-ci savait pertinemment que la question du travail virtuel/télétravail était à la table des négociations entre le syndicat et l'ARC, en tant qu'employeur, et qu'il s'agissait d'un enjeu actuel. Il est encore plus choquant que cette annonce ait été faite quelques jours avant que des séances de médiation soient prévues entre l'ARC et le syndicat.

Nous suggérons respectueusement que cette décision a été prise à la hâte sans tenir compte de l'impact sur les employés. J'espère que vous conviendrez que de nombreux employés ont dû réorganiser leur vie après avoir été renvoyés chez eux pour travailler pendant la pandémie, il y a environ deux ans et demi. De nombreux employés ont dû prendre des dispositions importantes et indéfinies pour la garde de leurs enfants, qui ne peuvent être facilement modifiées. De nombreux employés seront désormais obligés de se rendre au travail avec leur véhicule personnel, malgré la hausse excessive du prix de l'essence. Le covoiturage pourrait ne plus être possible en raison des horaires variables des employés, ce qui entraînerait des dépenses supplémentaires pour les employés et causerait des problèmes environnementaux et de transport. Certains employés ont déménagé ou vendu leur maison après avoir reçu la quasi-assurance que le télétravail serait la voie de l'avenir à l'ARC.

D'autres problèmes découlent également de cette décision. Comme nous l'avons mentionné précédemment, le fait de se rendre sur le lieu de travail en véhicule personnel créera des problèmes environnementaux, comme de la pollution additionnelle due aux émissions des véhicules. Les plans en cours visant à créer des logements supplémentaires à la suite de la vente et de la rénovation d'immeubles gouvernementaux seront maintenant retardés ou annulés. De plus, nous croyons qu'étant donné que l'ARC n'a pas renouvelé certains baux actuels ou qu'elle a vendu certains de ses biens immobiliers, l'ARC pourrait se retrouver avec un espace de bureau insuffisant pour accueillir ses employés qui reviennent.

Le SEI a entendu de nombreux membres dire qu'à la suite de cette annonce soudaine et récente, ceux et celles qui sont en mesure de prendre leur retraite le feront de façon imminente. De nombreux autres membres ont indiqué qu'ils chercheront d'autres possibilités d'emploi en dehors de l'ARC et de la fonction publique. Cela entraînera une perte de connaissances organisationnelles et d'expérience et entravera également les possibilités de recrutement de l'ARC.

Au fur et à mesure de l'évolution de la pandémie, le SEI a appuyé la position du gouvernement selon laquelle les ministères, les employeurs distincts et les organismes disposaient d'une certaine souplesse pour décider quels emplois pouvaient être exécutés à distance, lesquels nécessitaient une présence sur place et lesquels pouvaient être exécutés de manière hybride, et l'ARC et le SEI se sont rencontrés régulièrement dans le cadre de consultations sérieuses pour aborder ces questions. L'ARC et le SEI ont tous deux favorisé cette approche, et nous avons travaillé en collaboration pour assurer le fonctionnement efficace du service, la nécessité de servir efficacement les Canadiens et la santé, la sécurité et le bien-être de nos membres, et cette approche a bien fonctionné. Nous suggérons fortement que cette approche " mur à mur " ne servira qu'à nuire aux opérations et à diminuer le moral et l'efficacité des employés.  

Pour ces raisons, Madame la Ministre, nous vous demandons instamment de reconsidérer votre décision dans ce dossier et de vous engager immédiatement dans une consultation significative avec les syndicats sur cette question importante pour vos employés et nos membres.

Pour conclure, j'aimerais toutefois vous poser une question et nous apprécierions une réponse rapide à ce sujet. En lisant attentivement l'annonce, nous avons remarqué que vous indiquez que les employeurs distincts et les agences sont " fortement encouragés " à suivre la direction décrite dans votre annonce.  En conséquence, je vous demande si l'ARC dispose effectivement d'une certaine souplesse pour déroger à cette directive ou si elle est tenue de s'y conformer.

Je vous remercie à l'avance de l'attention que vous porterez à cette question et j'apprécierais grandement recevoir une réponse rapide.

Respectueusement,

signature de Marc Brière

Marc Brière
Président national
Syndicat des employé-e-s de l’Impôt